vendredi 22 février 2008

La mort en face

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours eu peur de la mort. Toute petite, je pleurais en imaginant que mes proches allaient mourir. Je faisais des cauchemars où ma mère, mon frère, ma grand-mère mouraient sans que je puisse les sauver. Le classique ? Un immeuble en flammes et je suis dehors, terrifiée. Je me réveillais en larmes à chaque fois.

Avec les années, cette peur s'est un peu tassée, mais est restée tapie tout au fond de moi, comme toutes les peurs de l'enfance j'imagine. Une chose qui ne s'est pas tassée, c'est mon amour infini pour ma mère, de qui je suis très proche. Et mon indifférence quasi totale pour mon grand-père qui est mort hier. Mon grand-père était un plombier alcoolique qui a beaucoup fait chier ma mère quand elle était jeune. Je ne l'ai pas vu très souvent. Je l'appelais Grand-papa Bi, il me donnait des 10 piasses dans une enveloppe une fois de temps en temps et sa maison était tellement sale dans les dernières années que je n'osais ni m'asseoir, ni aller à la salle de bain. Ça se résume à ça.

Mercredi soir, ma mère m'a appelée presque en larmes. Son père allait mourir dans les 24 prochaines heures. Il était sur la morphine, plus conscient de rien, et il se laissait aller. J'ai eu de la peine pour elle, même si au fond la mort de mon grand-père ne me faisait ni chaud ni froid pour être honnête. J'avais de la peine pour elle. Un père qu'on hait le 3/4 de notre vie, ça reste un père à ce qu'il paraît, ça fait suer...Le lendemain matin, je me suis donc précipitée pour l'appeler, et j'ai senti dans sa voix qu'elle avait besoin de moi, que ça lui ferait vraiment plaisir que je sois avec elle.

Je suis donc allée la rejoindre au CHSLD de mon grand-père. Premier choc en le voyant...Il était tellement maigre qu'il y avait au moins 4 pouces d'espace entre sa cage thoracique et la peau de son ventre. Il avait la bouche entrouverte, la respiration archirapide, les yeux vitreux qui ne se fermaient plus, les bras et les jambes qui commençaient à se vider de leur sang, qui devenaient rigides, froids et comme marbrés. J'ai flatté le dos de ma mère, et j'ai observé mon grand-père s'en aller. Une heure après mon arrivée, il a ouvert les yeux et sa respiration s'est calmée. Je sentais que ça se passait là là et j'ai réalisé que j'allais réellement voir quelqu'un mourir, moi qui avais si peur de la mort...Les infirmières sont arrivées en même temps pour le changer de jaquette, le mettre plus confortable. Dès qu'elles ont fini et qu'elles l'ont replacé sur le lit, il a regardé vers moi, puis il a regardé ma mère, lui a fait un immense sourire, puis une espèce de rire et il est mort dans un dernier souffle. J'étais sous le choc. Et ma mère encore plus. Elle s'est effondrée sur lui en pleurant et en le remerciant pour ce dernier cadeau. Ce que j'ai fait ? J'ai pleuré une shot...Puis quand ma mère m'a demandé d'appeler ses frères et soeurs et pour les avertir, j'ai appelé Porc-épic. Devant toute cette mort, j'avais foutrement besoin d'être en vie et de lui dire que je l'aime.

Je suis restée toute la journée, assistant à ce curieux ballet de la mort. Le corps qui refroidit et qu'on place les mains croisées. Les proches qui viennent et qui pleurent. Les engueulades de bord de cadavre. Le médecin qui fait son examen nécessaire mais bien inutile et ridicule dans certains cas. L'étiquette sur l'orteil. Le rituel des gars du salon, aux gestes bien calculés, qui emmènent le corps qui ressemble soudainement plus à un vieux tapis qu'à un être humain. J'ai même vu une soeur, Soeur Colombe, faire toute une panoplie de prières. J'avoue que quand elle a chanté, de sa voie tremblante de petite vieille pleine de foi, j'ai eu le frisson.

Car c'est ce dont j'ai manqué tout au long de cette journée : de frissons. Je me suis sentie vide, plus vide qu'un pot de Nutella un matin de rage de sucré. Tout le monde avait ses croyances, tout le monde disait que grand-papa était mieux, qu'il était libéré, qu'il réparait des tuyaux au paradis avec ses amis ou je ne sais trop...Moi, je n'y croyais pas. Moi, je ne crois en rien. Ah oui, je crois en l'Amour et la Musique et la Beauté et des trucs du genre, mais le paradis ? Non, pas vraiment...Certains ont la foi par habitude, d'autre par souci des apparences probablement. Mais devant ceux qui ont la vraie Foi avec un grand F, devant cette Colombe frêle et lumineuse, je me suis sentie tellement vide et démunie devant la mort. J'aurais aimé que, comme pour eux, la mort ait un sens pour moi. Mais ces choses-là ne se commandent pas. Je suis une sceptique de nature. On verra bien rendu de l'autre bord. Je vous en donnerai des nouvelles...En attendant, prenez soin de vous, la vie est courte et la mort est parfois longue...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je T`Aime

Valérie a dit…

c'est difficile d'assister a ca. Moi aussi ca m'est arrivé et honnêtement ca m'a vraiment marqué.
mes sympathies

Anonyme a dit…

j'me sens si loin, pis j'aimerais juste te donner un gros calin... xxxx