vendredi 25 mars 2016

L'orangeraie

"Ton nom est grand, mon coeur, trop petit pour le contenir en entier. Qu'as-tu à faire de la prière d'une femme comme moi? Mes lèvres touchent à peine l'ombre de ta première syllabe. Mais, disent-ils, ton coeur est plus grand que ton nom. Ton coeur, si grand soit-il, le coeur d'une femme comme moi peut l'entendre dans le sien. C'est ce qu'ils disent en parlant de Toi, et ils ne font que dire la vérité. Mais pourquoi faut-il vivre dans un pays où le temps ne peut pas faire son travail? La peinture n'a pas le temps de s'écailler, les rideaux n'ont pas le temps de jaunir, les assiettes n'ont pas le temps de s'ébrécher. Les choses ne font jamais leur temps, les vivants sont toujours plus lents que les morts. Les hommes dans notre pays vieillissent plus vite que leur femme. Ils se dessèchent comme des feuilles de tabac. C'est la haine qui tient leurs os en place. Sans la haine, ils s'écrouleraient dans la poussière pour ne plus se relever. Le vent les ferait disparaître dans une bourrasque. Il n'y aurait plus que le gémissement de leur femme dans la nuit."

L'orangeraie, Larry Tremblay, p.26-27

lundi 29 février 2016

Mère indigne

Depuis la naissance de Ti-Poulet, je ressens souvent des sentiments d'incompétence, de culpabilité. Je me sens souvent comme la proverbiale mère indigne. Surtout parce que même si j'adore mon fils, être à la maison, ça m'emmerde pas mal. En fait, ce qui m'emmerde surtout, c'est de ne pas être au travail. Si j'avais mes élèves et mes collègues pour me stimuler intellectuellement et m'offrir des défis, changer des couches, allaiter et essayer tant bien que mal de contribuer à l'éveil et au développement de mon mini bébé me sembleraient probablement être moins répétitifs et parfois emmerdants.

C'est un peu tabou de dire qu'on s'ennuie à la maison avec son bébé. Toutes les mères pinterest-diy-écolos-sportives-santé qui pullulent sur le web sont teeeeellement épanouies.

Je sais malgré tout que je ne suis pas seule. Même si les regards sont parfois surpris et amusés quand je dis en toute candeur que ma vie est plate en ce moment. Oui, je capote quand il me fait un sourire. Oui, je l'aime tellement que j'ai parfois du mal à respirer. Quand même...si je pouvais passer la moitié de la journée au travail et l'autre avec lui, je serais au paradis.

Si j'avais pu, je serais retournée travailler quand il avait 1 semaine. Je me sens mal de penser ça, mais quand je culpabilise là-dessus, je me sens encore plus comme de la marde. Alors j'essaie d'assumer qu'être mère à la maison, c'est peut-être pas pour moi. Mais que ça ne fait peut-être pas de moi une mauvaise mère pour autant.

Un ami m'a dit que le concept de mère indigne a été inventé par un homme qui voulait être sûr que les femmes restent à la maison.

Bien hâte d'être une mère très digne et une prof toujours aussi passionnée.

vendredi 15 janvier 2016

Un amour incongru

On en parle dans les livres, dans les films, dans toutes les phrases ponctuées de "tu peux pas comprendre t'as pas d'enfant".

C'est quand même surprenant, la vague d'amour qui te prend aux tripes quand tu tiens ton enfant dans tes bras. Cet amour surprenant et incongru qui prend toute la place, sans explications. Cette petite chose ne parle pas, ne sourit pas. Elle pleure, elle chigne, elle chie, elle boit surtout. Elle tire tout ton lait et toute ton énergie par la même occasion.

Et pourtant, tu t'arracherais les deux bras pour elle. La perspective de la perdre te serre la gorge et te fait pleurer. Tu l'aimes tellement que ça te donne le vertige et que tu regrettes presque de l'avoir connue, par peur que ça ne dure pas.

On en parle, mais ça ne s'explique pas. Et même en le vivant, ça ne se comprend pas vraiment non plus.

Faut juste le vivre, se laisser envahir, plonger et oublier les "après" et les "si jamais".

mardi 12 janvier 2016

Un an de silence

Un an de silence sur cette page.

Je n'avais pas l'envie ou pas le temps de la visiter faut croire.

Je ne savais peut-être pas quoi dire.

Je n'avais peut-être pas envie d'écrire.

Cet après-midi, comme ça, out of nowhere, ça me tente de repartir tranquillement la machine. Je sens que j'aurai plein de trucs à sortir, à consigner.

Quoique je n'aurai peut-être pas une tonne de temps pour venir ici.

Depuis 4 jours, je suis maman.

Et je sais déjà que ce sera de loin l'expérience la plus intense de ma courte vie.

dimanche 11 janvier 2015

Une leçon de générosité

Oui, bon, disons que je ne suis plus très fidèle à cette page. Je n'ai pas envie de me botter le derrière. On se botte déjà le derrière pour un paquet de raisons bonnes et moins bonnes tous les jours, alors ici, je me donne une petite pause. Quand j'aurai envie de partager quelque chose, je viendrai faire un tour.

Aujourd'hui, par exemple, j'ai envie de raconter cette petite anecdote d'avant les fêtes. À l'école, je fais partie du club de lecture parascolaire. Avant Noël, Communication-Jeunesse, l'organisme qui chapeaute le club, a proposé comme activité du mois de donner des livres en cadeau dans les paniers de Noël et de les accompagner de cartes personnalisées.

Le midi où nous avions notre réunion, j'arrive avec mon cadeau, un petit livre que j'avais en double. Les élèves, eux, m'ont complètement soufflée. Plusieurs avaient apporté plus d'un livre, certains étaient même allés acheter un livre neuf, certains ont donné le premier livre qu'ils s'étaient achetés, d'autres leur livre préféré. Avec générosité, sans hésiter. Les autres profs et moi nous lancions des regards médusés et vaguement honteux. Nous avions eu toute la misère à nous départir d'un petit livre de rien du tout et les élèves, qui doivent avoir le huitième de nos bibliothèques et qui n'ont pas d'argent, ont donné sans compter.

Petite leçon de générosité que je ne vais pas oublier.

dimanche 9 novembre 2014

Toune du jour numéro 126

Love me like I'm not made of stone, Lykke Li

Je sais déjà que certaines personnes vont grincer des dents dès les premières notes de cette chanson. Mais moi j'aime Lykke Li et sa voix qui arrache tout. C'est une chanson qui fait mal, juste comme je les aime.

dimanche 19 octobre 2014

Qui de nous deux?

Extraits d'un récit très touchant de Gilles Archambault, journal écrit après la mort de sa femme qui parle d'amour, de deuil, de solitude.

"Tout couple connaît un jour ou l'autre des moments difficiles. Je ne suis en rien psychologue, qu'on n'attende pas de moi des conseils sur la réussite de la vie conjugale. Bien sûr, il y a eu des moments où je me suis mal comporté, d'autres où je me suis interrogé sur la pertinence d'une intimité partagée. Vers la mi-trentaine, je me sentais parfois un peu confiné. J'avais besoin d'air, j'étais en manque de douceur. Quand on connaît l'amour, on n'est jamais repu. On voudrait que l'autre répète à l'infini des gestes qui nous ont paru importants. On en vient à chercher sottement ce que l'inédit seul peut apporter. Maintenant que la mort de Lise m'a rendu à ma solitude première, ne serais-je pas prêt à toutes les capitulations pour la voir à mes côtés pendant quelque temps encore? Je n'exigerais pas le retour des moments d'exultation. Nous n'en aurions pas le goût. Je me contenterais de cette vie quotidienne sans surprises, m'efforçant de trouver rassurants les gestes routiniers qui jadis me lassaient."

Qui de nous deux?, Gilles Archambault, p. 34-35

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""Au moins, vous avez beaucoup voyagé", me dit-on parfois. Je ne le nie pas, mais d'avoir connu ce qui ressemble au bonheur ne vous console pas de l'avoir perdu."

p. 57

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"Lise m'a laissé dans un état lamentable. Je ne peux le nier, j'ai honte d'être encore de ce monde pendant qu'elle n'y est plus. Après tout, c'est elle qui m'a empêché de désespérer, Avec elle, j'oubliais parfois pendant quelques jours que la vie est absurde. "Quelle couillonnade", aurait dit Valéry sur son lit de mort. Je ne suis pas tout à fait d'accord : la vie peut être supportable si on a quelqu'un qui partage son désarroi. Je sais bien que mes enfants, que quelques amis sont là, mais il me manquera toujours cette femme qui m'a éveillé à la seule sérénité dont j'ai été capable."

p.80-81