dimanche 28 septembre 2014

On ne rentre jamais à la maison

"J'ai bien essayé. J'ai joué la crédulité et l'extravagance, j'ai mimé l'enthousiasme devant l'irréel et l'inconnu. Mais je ne suis pas ma soeur. Je l'aurais aimée, peut-être, je l'aurais aimée, sûrement, comme je peux aimer les chats qui sont pourtant d'une autre espèce. Mais je n'ai pas pu être elle. Je ne suis pas crédule et extravagante. Je n'aime pas avoir peur, je n'aime pas le sang, je ne rêve pas de me faire enlever par un extraterrestre. Je suis douce, je suis posée, je suis logique. J'aime que les choses soient claires. J'aime le réel, le concret. Et je prends des preuves de ma vie depuis toujours, depuis ce jour où mon père, quel coup de génie, m'a offert un appareil photo, j'avais six ans, avais-je six ans? Je ne sais pas quel âge j'avais, mais c'était mon anniversaire. C'était le plus beau jour de ma vie, c'est encore le plus beau jour de ma vie, c'est peut-être le premier jour de ma vie. Je vois des choses, je les aime, je les garde, je les emprisonne pour qu'elles existent toujours et ne puissent jamais disparaitre. Dans notre famille, les disparitions, on n'aime pas. Regardez cet arbre, regardez cet oiseau, regardez ces enfants dorés aux genoux éraflés, regardez la mer, ce petit bout de plage et ces morceaux de corail dans ce petit bout de mer, je l'ai vu. C'était là, j'étais là."

On ne rentre jamais à la maison, Stéfani Meunier, p. 78-79

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"Pour moi, Pierre-Paul était plus qu'un ami de ma soeur. Sur chacune de la dizaine de photos sur lesquelles il figurait, cet amour qui crevait les yeux, qui voulait sortir du cadre et prendre toute la place, cet amour tout neuf même si les photos, elles, datent maintenant de plus de vingt ans. L'amour de Pierre-Paul resterait toujours neuf, parce qu'elle avait disparu. L'amour, ça ne peut pas être toujours comme ça. Ça vieillit. Moi, j'ai vingt-six ans, je suis toute jeune, il parait, c'est ce qu'on me dit, mais j'ai un vieil amour, un amour tout usé et confortable, depuis huit ans que je le porte, parfois je lui dis, François, qu'est-ce que tu en penses, peut-être que je devrais disparaitre, te quitter pour que tu m'aimes plus fort, partir pour devenir la femme idéale, pour devenir un souvenir que tu polirais jusqu'à ce qu'il brille comme un diamant, pour qu'il t'éblouisse comme une carrière de quartz au soleil? Il dit que je suis folle en me prenant la main, François, qu'il m'aime même si je ne brille pas comme un diamant, même si j'ai les cheveux défaits, les yeux cernés par toutes ces nuits à regarder notre enfant dormir, le ventre gonflé par cette nouvelle vie qui y pousse, parfois je lui demande, François, crois-tu que je vais me lever deux fois plus la nuit pour en regarder deux dormir?"

p. 88-89

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"Mon fils ne comprend pas le temps. En sautant du lit, il me demande si on va souper. Parce que j'ai faim, maman. Déjeuner, dîner, souper, pourquoi tous ces mots si ça veut dire qu'on a faim, qu'on prépare un repas, qu'on s'assoit à table et qu'on mange? Pour lui, hier, c'est n'importe quand avant maintenant. Pour lui, demain, c'est demain, c'est dans deux minutes, c'est dans deux ans. Et parfois hier et demain se confondent et n'ont aucun sens à ses yeux. Il n'y a que tout de suite qui existe. Je veux aller à la piscine, je veux y aller maintenant, et pendant que je mets nos maillots et nos serviettes dans un sac, il dit c'est long, il ne comprend pas pourquoi on attend encore, je ne serais pas surprise qu'il invente la téléportation quand il sera grand tellement tout ce délai dans la réalisation de son moindre souhait lui semble aberrant. Ici et maintenant. Pour lui, c'est tout ce qui existe. [...] Peut-être que les enfants de cinq ans devraient savoir écrire et nous pondre des livres qui nous expliqueraient comment ça fonctionne. Parce que nous, les adultes, on pense beaucoup à la semaine et à l'année prochaines, aux gens et aux sentiments qui ne sont plus là ou pas encore."

p. 107-108

vendredi 26 septembre 2014

Le shift de soir d'Émilie Bordeleau

Prof d'éduc se plait souvent à me traiter de princesse. Selon lui, je suis capricieuse et bosseuse et j'aime qu'on m'obéisse. Il y a peut-être là un petit fond de vérité, grandement exagéré cependant. C'est que Prof d'éduc adore me faire pogner les nerfs.

Récemment, nous nous obstinions devant un autre prof dont je m'étonnais du manque flagrant de motivation, qui me semblait d'autant plus étonnant que le prof en question était très jeune et à première vue assez dynamique. Mais là il me servait du "c'est juste une job" et "j'ai déjà hâte à vendredi" et mon air ahuri lui a fait comprendre que je ne partageais pas son point de vue. Prof d'éduc a dit à l'autre prof en riant que j'étais une vraie maîtresse d'école, une vraie Émilie Bordeleau. Il a décidé que ce serait mon nouveau surnom, encore mieux que Princesse. Je l'ai envoyé chier et lui ai lancé un ballon de basket par la tête parce qu'il disait évidemment ça pour m'écoeurer...mais...

Mais on est vendredi soir et je viens de passer 45 minutes à écrire un long courriel au directeur de mon école pour qu'il accepte d'aider un ancien élève qui a demandé mon aide même si je n'étais même pas sa titulaire, mais une prof qu'il voyait un jour par semaine.

Mais je me suis extirpée de mon lit la semaine dernière à 22h00 la tête et le coeur encore tout pleins de Porc-épic pour aller écrire à cet élève et lui donner conseil.

Mais j'ai passé 30 minutes ce midi à parler à la travailleuse sociale d'un autre élève qui m'a confié cette semaine un paquet d'horreurs, le genre d'horreurs qui m'ont fait brailler de rage en cachette dans un recoin du parc où nous étions censés célébrer.

Des fois, je me dis que je suis peut-être un peu folle.

Mais à voir la reconnaissance de l'élève pour qui je passe pas mal de temps devant mon ordi à chercher des documents et à plaider sa cause, à voir le sourire de l'élève poqué qui trouve qu'il s'est confié à la bonne personne et qui est content de voir les choses bouger, à voir la face de la travailleuse sociale qui vante ma capacité d'analyse des situations et ma perception très juste des humains et des drames qui les secouent, mon authenticité et mon empathie, ben je me dis que des fois, je fais bien ma job je pense.

Émilie Bordeleau n'était peut-être pas si folle et ce n'est peut-être pas une si grosse insulte.

Faut juste que je n'ambitionne pas trop sur le shift de soir.

mercredi 24 septembre 2014

Une (mal?)saine compétition

Porc-épic est de retour à l'école. Lui qui a passé les dernières années à ne travailler qu'entouré d'hommes, dans un perpétuel "party de saucisses", le voilà au cégep, entouré de jeunes filles fermes et fraîches facilement impressionnables. Le voilà dans un programme rempli de filles. Moi qui suis insécure et jalouse et possessive à mes heures, disons que cette situation m'a pas mal stressée cet été quand je l'anticipais.

Évidemment, la première personne avec qui il a parlé est une fille de 23 ans, jolie, qui a étudié en cinéma comme lui, qui aime les hommes plus vieux, et tout le tralala.

Hier soir, il prenait une bière avec des amis du cégep. Les amis du cégep se sont rapidement avérés être....cette fille et c'est tout! Il est rentré à 2h00 du matin. J'ai manifesté quelques inquiétudes. Aujourd'hui, nous en avons discuté. Et même si ça m'inquiète, en fait, je me rends compte que ça m'amuse beaucoup dans un sens. Dans mon esprit, Porc-épic est un homme sexy, drôle, brillant, attachant, loyal, frondeur, baveux mais pas trop, bref, un catch! Alors il est inévitable qu'une fille ou même plusieurs s'intéressent à lui. Ça me fait peur. Mais en même temps, c'est pas comme si j'étais moi-même un boudin qui n'intéresse personne. Tout ça m'excite un peu au fond, à ma (plus ou moins) grande surprise. J'aime trop les défis et la compétition. Une jeune fille ferme veut lui faire de l'oeil? Eh bien c'est à moi de m'assurer qu'il me trouve plus hot qu'elle quand il rentre à la maison.

Bring it on!

samedi 13 septembre 2014

La tête cassée

Parmi les moments qui ont marqué mon été, il y en a un plutôt triste. Quelqu'un près de moi et surtout encore plus près de Porc-épic a traversé un très dur moment. Porc-épic a dû faire trois heures de route pour aller chercher cette personne et elle a passé presque une semaine chez nous. Quand il a reçu l'appel et que je l'ai vu s'appuyer lourdement contre le comptoir de la cuisine, les épaules basses, les yeux pleins d'eau, j'ai compris que ça n'allait vraiment pas. Porc-épic qui pleure, ce n'est pas si fréquent et plutôt sérieux. Il m'a dit, désemparé, qu'il aurait  préféré qu'elle ait une jambe ou un bras cassé. Une tête cassée, on ne sait pas trop quoi faire avec ça. On marche sur des oeufs. Je crois tout de même qu'on a réussi à être là pour elle. Nous avons su poser les questions qui faisaient mal en faisant du bien. Aujourd'hui, elle va beaucoup mieux. Et Porc-épic dort mieux la nuit.

vendredi 12 septembre 2014

Fin du silence radio

J'ai pris des vacances dans tous les sens cet été, y compris des vacances de cette page. Peut-être parce que j'avais envie de décrocher, de ne penser à rien, de profiter du soleil, de ne pas me poser de questions, de m'éloigner un peu de mon ordi, de me pogner le beigne, de prendre un break, de profiter de Porc-épic!

Peut-être que vous êtes tous partis pendant ce temps pour ne pas revenir.

Peut-être que non.

Quoiqu'il en soit, j'ai envie de ressusciter cette page, de me botter le derrière de continuer de partager ici mes coups de blues, coups de coeur, coups de gueule.

À go on repart!