lundi 14 janvier 2013

La gestion des produits T1 : La crise

Une des hypothèses que l'on peut entrevoir concerne l'idée que le malheur, la disgrâce, l'échec, la chute et la ruine auraient pris davantage de valeur ces derniers temps. Ils ont la cote. Il est bien vu, désormais, de souffrir. Les victimes sont devenues les nouveaux héros de notre cartographie sociale. Elles sont intéressantes, fascinantes et hors d'état de nuire. Engluées dans quelque chose dont nous supposons, spectateurs, être exemptés, elles ont toujours raison. Comme elles ne sont pas responsables, elles ne sont pas non plus coupables. La victime n'est plus une personne que l'on cache, ou dont on réinvente le profil pour faire taire les mauvaises langues. Elle ne fait plus honte. Elle a un statut. Adopter cette position est un choix qui s'offre désormais à l'individu contemporain. Cela fait même passer à la télévision, aux heures de grande écoute. La personne qui a subi un préjudice doit être entendue, coûte que coûte, sans quoi la société est ingrate. Est-ce cette valorisation du malheur qui fait que plus de gens optent pour cette voie? La victime a le droit d'être une victime, et le droit d'être soutenue et respectée. Mais la fascination qu'on a pour elle ne peut pas tout expliquer. 
La gestion des produits, tome 1 : La crise, Maxime-Olivier Moutier

Passage qui m'a fait réfléchir, moi qui ne suis pas la plus empathique des personnes. J'ai beaucoup de mal à supporter les plaignards, les éternelles victimes. Je suis pour aider son prochain, mais je ne suis pas contre une petite forme de loi de la jungle, sujet sur lequel Porc-épic et moi aimons bien nous obstiner. Nous avons tous une part de responsabilité dans notre destin. Certes, la vie est injuste et certains se retrouvent avec des cartes de merde au départ. Mais on peut choisir de jouer quand même, ou de s'écraser, de pleurer et de se laisser mourir. J'ai énormément de respect pour ceux qui se battent pour s'en sortir même quand ils en prennent plein la gueule. Beaucoup moins pour ceux qui passent leur temps à s’apitoyer sur leur sort.

Parfois,  je me dis que je suis un monstre d'égoïsme. Mais je ne dois pas être si pire, parce que les élèves se confient beaucoup à moi malgré tout. Peut-être qu'ils apprécient justement le fait que je ne suis vraiment pas du genre "ah pauvre toi." Avec moi, ils ne trouveront pas beaucoup de pitié, ni de yeux de biche éplorée. Mais ils vont trouver une écoute sincère et une recherche de solutions. Parce que je suis vraiment convaincue que le statut de victime ne devrait être que temporaire et qu'il y a toujours moyen de se sortir d'une situation de merde. Si on est une victime toute sa vie, peut-être que c'est un peu par choix. Peut-être parce que c'est rassurant. Peut-être parce que c'est parfois plus facile. Peut-être parce qu'un "ah pauvre toi" c'est une forme d'attention qui peut faire du bien.

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