jeudi 22 mai 2014

L'énigme du retour, encore et encore

"On cherche la vie
chez les pauvres
dans un vacarme absolu.
Les riches ont acheté le silence."

p. 133

***

"La femme de mon ami, une grande rousse,
nous attendait à la porte.
J'ai eu l'impression, devant ce drapeau irlandais 
planté au milieu d'un champ de vaches,
d'être dans un autre pays.

Quelque temps après mon départ d'Haïti,
il est allé en Irlande
où il a vécu une vingtaine d'années. 
Et il a ramené l'Irlande 
dans ce hameau vert niché
sur les hauteurs de Pétionville.

Quand j'étais en Irlande, me dit-il, je vivais à l'haïtienne. Maintenant que je suis en Haïti, je me sens totalement irlandais. Saura-t-on un jour qui on est vraiment? C'est le genre de question qui nous donne l'impression d'être intelligent même sous un éclatant soleil. Pareille vanité ne résiste pas au second rhum-punch. 

Comme une volée d'oiseaux fous
nous sommes partis presque en même temps. 
Nous éparpillant partout sur la planète. 
Et là, maintenant, trente ans plus tard, 
ma génération amorce le retour."

p. 161

***

"Elle me raconte cette histoire : 
une de ses amies qui avait passé sa vie au Togo
et à qui elle a demandé conseil avant de quitter Belfast
lui a fait comprendre qu'on n'est pas forcément
du pays où l'on est né.
Il y a des graines que le vent aime semer ailleurs."

p. 163

***

"Ma vie en zigzag depuis ce coup de fil nocturne
m'annonçant la mort d'un homme
dont l'absence m'a modelé. 
Je me laisse aller sachant
que ces détours ne sont pas vains.
Quand on ne connaît pas le lieu où l'on va
tous les chemins sont bons."

p.167

***

"Un ami est passé me voir à l'improviste,
et nous avons bavardé toute la soirée. 
Cela me change des rendez-vous de là-bas
qu'il faut toujours prendre par téléphone.
À force d'éliminer toute surprise de cette vie
on finira par lui enlever tout intérêt aussi.
Et par mourir sans qu'on le sache.

J'ai l'air de trouver
tout bon ici
et tout mauvais là-bas.
Ce n'est qu'un juste retour du balancier.
Car il fut un temps
où je détestais tout d'ici. 

Les hommes ne peuvent rien cacher
trop longtemps.
On n'a qu'à les regarder vivre
pour qu'ils se mettent à nu devant nous. 
Un cocktail de sexe et de pouvoir
et les voilà déjà ivres morts."

p.211




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