samedi 29 septembre 2012

Petites victoires

En plus de devoir m'adapter au niveau de maturité des 12-14 ans pour la première fois cette année, je fais face à d'assez bons défis dans ma classe. Un de ces défis de taille est une jeune élève traumatisée par la guerre, qui a vécu toutes sortes d'horreur dont je ne connais rien, hyper introvertie et analphabète à 13 ans.

Au début de l'année, je me suis dit "bah, une élève analphabète, elle a tout à apprendre, ça va aller bien et ça va être super stimulant de voir ses yeux briller quand elle va lire ses premiers mots". J'avais une vision idéalisée de l'apprentissage de la lecture tel que moi je l'ai vécu, marqué par les découvertes et la fierté.

Mais finalement, lire des premiers mots sur des pubs dans l'autobus à 5 ans devant ta mère qui explose de fierté, et lire des mots à 13 ans avec une tonne de honte accumulée, c'est deux affaires vraiment pas pareilles.

Les premiers jours, elle était fermée comme une huître. Elle progressait hyper tranquillement et n'avait pas l'ombre du début d'un soupçon d'initiative. Elle ne parlait presque pas et quand je réussissais à lui arracher un "oui" ou un "non, elle parlait d'une voix tellement étouffée, la tête penchée et cachée sous un mur de cheveux que je devais la faire répéter 4 fois.

Tout ça est encore un peu vrai...mais, plusieurs victoires cette semaine.

D'abord, au détour d'un corridor, le pas vif et le vent dans le toupet, je croise son regard et elle me lance un "bonjour madame" avec un sourire. J'étais tellement surprise, j'en ai presque trébuché.

Puis, le lendemain, alors que nous travaillons au labo informatique, elle pleure. Je la prends à part, et elle finit par me dire "j'y arrive pas". Bon, la voir pleurer ne devrait pas paraitre positif à première vue, mais dans son cas, c'est une grosse marque de confiance, c'est une mini craque dans le gros mur de béton qu'elle érige entre elle et le monde pour ne plus avoir mal.

Finalement, après des jours à travailler sur les voyelles, nous avons ajouté 3 consonnes cette semaine. Elle a donc pu, après beaucoup d'essais, d'erreurs, de patience surtout, lire de vrais mots. J'étais tellement fière d'elle!

Le chemin est encore long en sale, mais de petites victoires, ça fait du bien.

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