Sexe et ados

Chaque jour, je vois des ados se frencher jusqu'au fond des amygdales dans les corridors de la grosse polyvalente où je travaille. Et ça me rappelle l'époque, pas si lointaine, où ces ados étaient Porc-épic et moi. Mais Porc-épic et moi, nous n'étions pas des ados démunis, pas de parents pour les encadrer. Nous n'étions pas parachutés dans un nouveau pays, réfugiés au statut incertain, vivant avec nos frères et soeurs, sans parents, sans repères, avec un gros besoin de tendresse qui gruge le coeur et le ventre. Nous savions que les bébés ne sortent pas des choux, et que se retirer à la dernière minute, prier, se mettre du jus de citron et autres moyens douteux ne sont pas une contraception efficace. Que les MTS, ça n'arrive pas juste aux autres.

Aujourd'hui, quand j'ai entendu et vu mes élèves de 15-18 ans glousser et rire comme des ti-culs devant le mot "pénétrer" écrit au tableau, même si je l'avais utilisé pour définir le verbe "envahir" en donnant des exemples peu réjouissants comme l'Irak, et que je les ai vus me regarder d'un air ahuri et embarrassé quand je leur ai confirmé que oui, on dit bien qu'un pénis pénètre un vagin, je me suis dit intérieurement que j'allais devoir faire de l'éducation sexuelle avec mes jeunes cette année.

Quand après ce même cours, une élève est venue me demander comment être exemptée des cours d'éduc parce qu'elle est enceinte, disons que ça a confirmé mon idée.

Cette petite n'a pas de parents, pas de statut, peu d'éducation. Mais elle a un Dieu très présent qui lui dicte la voie à suivre. Et elle a une prof, un éducateur, une travailleuse sociale, une infirmière, tout un système qui vont tout faire pour l'aider. Après notre discussion, elle m'a embrassée, je l'ai prise dans mes bras. Et je lui ai conseillé en souriant de prendre un grand verre de lait avec son diner.