vendredi 26 septembre 2014

Le shift de soir d'Émilie Bordeleau

Prof d'éduc se plait souvent à me traiter de princesse. Selon lui, je suis capricieuse et bosseuse et j'aime qu'on m'obéisse. Il y a peut-être là un petit fond de vérité, grandement exagéré cependant. C'est que Prof d'éduc adore me faire pogner les nerfs.

Récemment, nous nous obstinions devant un autre prof dont je m'étonnais du manque flagrant de motivation, qui me semblait d'autant plus étonnant que le prof en question était très jeune et à première vue assez dynamique. Mais là il me servait du "c'est juste une job" et "j'ai déjà hâte à vendredi" et mon air ahuri lui a fait comprendre que je ne partageais pas son point de vue. Prof d'éduc a dit à l'autre prof en riant que j'étais une vraie maîtresse d'école, une vraie Émilie Bordeleau. Il a décidé que ce serait mon nouveau surnom, encore mieux que Princesse. Je l'ai envoyé chier et lui ai lancé un ballon de basket par la tête parce qu'il disait évidemment ça pour m'écoeurer...mais...

Mais on est vendredi soir et je viens de passer 45 minutes à écrire un long courriel au directeur de mon école pour qu'il accepte d'aider un ancien élève qui a demandé mon aide même si je n'étais même pas sa titulaire, mais une prof qu'il voyait un jour par semaine.

Mais je me suis extirpée de mon lit la semaine dernière à 22h00 la tête et le coeur encore tout pleins de Porc-épic pour aller écrire à cet élève et lui donner conseil.

Mais j'ai passé 30 minutes ce midi à parler à la travailleuse sociale d'un autre élève qui m'a confié cette semaine un paquet d'horreurs, le genre d'horreurs qui m'ont fait brailler de rage en cachette dans un recoin du parc où nous étions censés célébrer.

Des fois, je me dis que je suis peut-être un peu folle.

Mais à voir la reconnaissance de l'élève pour qui je passe pas mal de temps devant mon ordi à chercher des documents et à plaider sa cause, à voir le sourire de l'élève poqué qui trouve qu'il s'est confié à la bonne personne et qui est content de voir les choses bouger, à voir la face de la travailleuse sociale qui vante ma capacité d'analyse des situations et ma perception très juste des humains et des drames qui les secouent, mon authenticité et mon empathie, ben je me dis que des fois, je fais bien ma job je pense.

Émilie Bordeleau n'était peut-être pas si folle et ce n'est peut-être pas une si grosse insulte.

Faut juste que je n'ambitionne pas trop sur le shift de soir.

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