dimanche 17 novembre 2013

Pavel 10 et la rupture amoureuse

"C'est un genre de forfait "tout compris", mais où on ne comprend rien.

Ça sent le vieux bois humide. Exactement comme promis dans la brochure. Il fait noir tout le temps, froid aussi. La nausée est enveloppante, les frissons, interminables. Et on a l'impression que c'est un aller simple, que le voyage ne cessera jamais, que le fond de ce baril deviendra notre maison pour l'éternité.

Je vous entends d'ici. "Secoue-toi, Martin. C'est juste une petite peine d'amour. Sois fort." Ce genre de choses faciles à dire, dures à entendre. Parce que, oui, dans un coin de ma tête, il reste un peu de raison, de réflexion, la pensée qu'il suffirait de me brasser, d'oublier, de bouger. Et que je m'en sortirais, de cette peine d'amour qui me détruit et me déchire. Mais tout autour de ce coin de cerveau, il y a la douleur, et la conviction qu'aucun brassage ne sera assez fort pour que je m'extirpe de ma léthargie.

Je ne suis pas assez fort.

Des années, j'en ai pour des années."

Mon voyage au fond du baril, Pavel T.10, Matthieu Simard, p.9-10

***

Ce passage me rappelle ma propre peine d'amour, il y a un peu plus de 10 ans. Je ne sais plus si je l'ai déjà raconté ici, mais Porc-épic et moi nous sommes quittés, il y a un peu plus de 10 ans, pendant un gros deux semaines. Nous étions tous les deux poqués et dans une sale passe. Il y avait une fille qui rôdait autour de Porc-épic, je l'ai talonné, l'ai poussé dans ses derniers retranchements et j'ai tout fait exploser. Il n'avait, concrètement, rien fait de mal à part se poser des questions à ce moment il me semble...mais bon...mon sens du drame étant ce qu'il est, une nuit blanche, beaucoup de pleurs et de cris ont mené à l'inévitable rupture. 

J'ai alors, comme Pavel, touché le fond du baril. Je ne mangeais plus, ne dormais plus. Tout le monde s'inquiétait pour moi. Enfin...tous ceux à qui j'avais osé en parler, parce que je ne voulais le dire à personne, j'avais trop honte. Papoune capotait pour moi au travail, pendant que je me pétais la tête sur les murs. Au sens propre. Ma mère appelait Plume en renfort et me cuisinait de la lasagne pour essayer de me faire avaler quelque chose. 

Cette rupture, je ne la digérais pas. Pour moi, Porc-épic ne pouvait pas ne plus m'aimer. Il devait avoir menti. C'était impossible. 

Le cégep a recommencé deux semaines plus tard. Et j'ai fait semblant. J'ai fait semblant que tout allait bien, que j'étais forte. J'ai croisé Porc-épic et lui ai servi mes plus charmants sourires. J'ai mis ma main sur sa cuisse et lui ai dit que son corps me manquait, que s'il voulait, il pouvait venir chez moi et qu'on pouvait coucher ensemble sans aucune attache, sans aucune promesse. Ce qui, évidemment, était de la bullshit pure et simple. Je l'avais perdu. J'allais me battre pour le ravoir. Je ne savais pas cuisiner à l'époque, alors j'ai utilisé la meilleure arme dont je disposais...

Il a hésité. Mais il a fini par venir. Et cette première fois, post-rupture, reste encore à ce jour gravée dans ma ma mémoire aussi clairement que le souper que j'ai mangé ce soir. Je m'attendais à de la passion dévorante. Et j'en ai eu. Mais je ne m'attendais pas à son regard rempli d'amour au moment de me prendre, comme si j'étais le plus beau trésor du monde qu'il ne pensait jamais retrouver. À sa façon de me flatter le dos après. 

À ce moment, la rupture était finie. Nous n'avions besoin de rien dire, nous le savions. 

Ah mais nous étions encore poqués, donc les mois qui ont suivi ont été très difficiles et le cégep et notre jeunesse ont mis sur notre route des tentations dont notre couple chambranlant aurait bien pu se passer.

Je suis avec le même homme, le premier, depuis mes 16 ans, mais je considère quand même que j'ai vécu une rupture amoureuse. Je sais que je n'en ai pas vécu tous les stades. Il me manque définitivement l'acceptation, le deuil, et surtout, le moment où on passe à autre chose! Mais j'ai vécu pendant ces deux semaines, un rollercoaster émotif très intense qui me fait comprendre ce que vivent les amoureux qui voient leur univers s'écrouler. 

Surtout, j'ai eu cette cruelle révélation qu'on ne meurt pas d'une peine d'amour. Et que d'aimer, parfois, c'est juste pas suffisant. 

Aujourd'hui, je pense sincèrement que sans cette rupture, Porc-épic et moi ne serions peut-être plus ensemble. 

J'ai vécu deux semaines dégueulasses, les plus éprouvantes de ma courte vie je dirais. Mais j'ai quitté le fond du baril pour ne jamais le retrouver. 

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